Comprendre les deepfakes : une menace technologique en pleine expansion
Depuis quelques années, le terme « deepfake » s’est imposé dans le paysage médiatique, technologique et économique. Il fusionne les mots « deep learning » (apprentissage profond) et « fake » (faux) pour désigner des contenus audio, vidéo ou visuels générés par l’intelligence artificielle dans le but d’imiter la voix, le visage ou les gestes d’une personne réelle. Si cette technologie peut générer des contenus créatifs fascinants, elle devient aujourd’hui une problématique majeure en matière de cybersécurité financière et comptable.
En France, les entreprises sont confrontées à une montée en puissance de ces techniques sophistiquées capables de tromper des employés, des partenaires financiers ou des systèmes de signature électronique. L’impact de cette menace sur la sécurité financière et comptable est considérable, car les deepfakes peuvent être utilisés pour manipuler des données sensibles, réaliser des fraudes complexes ou perturber les processus de vérification associés à la comptabilité d’entreprise.
Les risques des deepfakes sur la sécurité financière des entreprises françaises
Le premier enjeu que soulève l’arrivée des deepfakes dans l’univers professionnel est le vol d’identité numérique. Les cybercriminels peuvent enregistrer ou recomposer la voix d’un dirigeant d’entreprise afin d’ordonner, par téléphone ou par visio-conférence, un virement bancaire frauduleux à un collaborateur, en prétendant une urgence exceptionnelle. Cela s’intitule le « Business Email Compromise » (BEC), mais dans sa version audio-visuelle amplifiée par les deepfakes, le risque devient encore plus difficile à détecter.
Autres risques financiers immédiats :
- Falsification d’instructions de paiement lors de simulations de réunions en visioconférence avec des avatars réalistes.
- Manipulation de documents financiers ou d’images utilisées dans les rapports d’audit ou les communications officielles.
- Fraude au faux président : reproduction exacte de la voix ou de la posture d’un CEO pour détourner des fonds.
La sophistication de ces procédés rend leur détection complexe : les messages semblent crédibles, les interlocuteurs paraissent familiers, et les vidéos peuvent passer les filtres de sécurité classiques. Le danger est réel pour les départements de comptabilité, de trésorerie, ou encore de contrôle de gestion. Ils sont en première ligne de cette perturbation technologique inédite.
Les conséquences comptables : distorsion de l’information financière et perte de traçabilité
Les deepfakes ne se limitent pas à l’usurpation de voix ou d’images. Leur influence grandissante menace la qualité de l’information comptable diffusée par les entreprises françaises. En effet, dans un environnement où le numérique règne, une simple vidéo truquée d’un CFO annonçant des chiffres financiers erronés peut impacter la prise de décisions internes, tromper les actionnaires, altérer les rapports audités ou même induire en erreur les commissaires aux comptes.
De plus, si des transactions ont été initiées par falsification de l’identité ou sur ordre frauduleux bien imité, la restitution des flux comptables devient un défi. La traçabilité, principe fondamental en comptabilité, est alors remise en question.
Les impacts possibles :
- Désorganisation des chaînes d’autorisation comptable.
- Fausses écritures générées à la suite de mouvements frauduleux.
- Risque de non-conformité avec le Plan Comptable Général et les normes IFRS.
Les organismes publics, les cabinets d’expertise comptable et les entreprises doivent désormais intégrer ce facteur technologique dans leurs mécanismes de contrôle interne et d’audit.
Deepfakes et audit : comment adapter les processus de vérification comptable ?
Les auditeurs doivent affronter une nouvelle réalité : celle où les supports vérifiés peuvent être synthétisés par machines. Les vidéos de réunions d’approbation, les signatures numérisées, les messages envoyés par des messageries professionnelles supposément sécurisées peuvent tous être fabriqués de manière crédible. Cela peut compromettre l’ensemble du travail de vérification.
Les cabinets doivent renforcer leurs méthodes :
- Mettre en place des outils d’analyse d’authenticité des documents et fichiers multimédias.
- Vérifier systématiquement l’identité physique des personnes impliquées dans des approbations sensibles.
- Utiliser des solutions cryptographiques Evoluées (blockchain, signatures électroniques sécurisées avec preuve d’identité biométrique).
- Former les équipes à la détection des contenus manipulés par IA générative (deep learning adversarial detection).
Les normes d’audit et les plans de mission doivent évoluer pour inclure de nouveaux critères technologiques, en particulier pour les entreprises ayant une forte exposition numérique ou un volume important de transactions à distance.
Prévention : quelles stratégies adopter pour se protéger des deepfakes ?
Face à cette menace, les entreprises doivent restreindre leur vulnérabilité en établissant une stratégie de cybersécurité renforcée et des procédures internes robustes. L’objectif est de prévenir les intrusions, d’éduquer les collaborateurs et de mettre en place des garde-fous techniques et humains dans les circuits comptables et financiers.
Voici quelques pistes de protection concrètes :
- Authentification à double facteur renforcée dans les environnements comptables et bancaires.
- Politique de validation multicanal pour les ordres de paiement (mobile, voix, face à face).
- Limitation de la diffusion publique de vidéos ou d’enregistrements des dirigeants pour éviter leur captation par IA.
- Vérification par code secret ou mot de passe oral lors de réunions virtuelles critiques.
- Recours à des fournisseurs tiers spécialisés en cybersécurité pour auditer les systèmes internes de défense contre les fakes numériques.
L’enjeu est aussi humain : des sessions de sensibilisation doivent être organisées au sein des services comptables et financiers afin d’éduquer les collaborateurs aux techniques utilisées par les fraudeurs numériques. Le simple réflexe de méfiance face à une demande inhabituelle ou urgente peut faire toute la différence.
L’impact des deepfakes sur la confiance numérique en entreprise
En fin de compte, ce que les deepfakes mettent en péril, c’est la confiance. Dans les environnements comptables et financiers, cette confiance est essentielle pour garantir l’intégrité des données, la fiabilité des documents et la véracité des communications entre les multiples parties prenantes. Une entreprise victime d’un deepfake pourrait voir ses relations bancaires, sa notation par les agences de crédit ou encore sa réputation auprès des investisseurs compromises.
Les impacts indirects sont tout aussi préoccupants :
- Hausse des primes d’assurance liée aux risques cyber.
- Répercussions sur la valorisation d’entreprise lors de levées de fonds ou d’opérations de fusion-acquisition.
- Risque de contentieux entre actionnaires en cas de manipulation d’information.
L’accroissement de ces menaces nécessite une réaction commune du secteur comptable, des autorités de régulation françaises et des entreprises elles-mêmes. La lutte contre les deepfakes devient une priorité pour maintenir la fiabilité du tissu économique national et préserver la stabilité des flux financiers internes comme externes.


